Interview

Hervé Yamguen " Je me suis inspiré des anciens pour trouver ma propre identité artistique"

Publié le 14 mars 2025
couverture de l'article Hervé Yamguen " Je me suis inspiré des anciens pour trouver ma propre identité artistique"

Poète, plasticien et portraitiste camerounais, Hervé Yamguen fait partie de valeurs sûres de l’art contemporain au Cameroun. En septembre 2023, il a réussi le pari de réunir une douzaine d’artistes camerounais dans un projet nommé Solid’art, une exposition collective, destinée à collecter des fonds afin de soutenir un projet de construction du projet de la maison du film documentaire initiée par Jean Marie Teno. A l’occasion de la soirée de vente aux enchères des œuvres de cette exposition, nous sommes allés à la rencontre de l’artiste camerounais qui a accepté de partager avec nous son histoire, ses débuts et quelques moments forts de ses 20 années de carrière.

Hervé Yamguen, avez-vous toujours voulu devenir artiste ? Quand avez-vous découvert votre appel pour l’art ?

Comme tous les jeunes gamins, j’aimais dessiner et utiliser les crayons et la couleur. Quand je suis allé au collège Saint Michel à Douala, j’étais très passionné de dessin et de littérature. J’aimais lire et quand je feuilletais nos livres de littérature, il y avait des illustrations, des dessins, des photos et des peintures. Ma curiosité m’a poussé à me rendre compte que faire c’était aussi un métier. C’est à partir de là que je me suis dit que j’allais essayer de suivre ma passion et peut être un jour, décider de devenir artiste.

Entre temps, j’ai continué à faire mes dessins et comme j’étais au collège Saint Michel (collège catholique), j’aspirais aussi à devenir prêtre. J’ai par ailleurs appartenu au groupe appelé le Club Vocationnel et dans ce groupe, nous avions la possibilité d’aller rendre visite dans des communautés religieuses. Moi ce qui m’intéressait, c’était la vie monastique c’est-à-dire de devenir moine. J’avais demandé à un moment donné à vivre une expérience en lien avec le monastère.

J’avais alors 17 ans et on m’a permis de faire une expérience au monastère de Kutaba dans le Noun, situé à l’Ouest du Cameroun.  Le cadre silencieux dans ce monastère m’avait vraiment plu et toutes mes vacances j’y allais. Il y avait une vaste bibliothèque et un jour je suis tombé sur une monographie de Vincent Van Gogh. Après la lecture, je me suis dès lors demandé comment faire pour devenir artiste parce que ça m’intéressait désormais.

Comment cette passion devenu votre métier a-t-elle influencer vos études ? Réussissiez-vous à allier les deux?

J’ai commencé à me former assez tôt. Quand je revenais au monastère après les vacances, j’allais rencontrer les ainés pour comprendre un peu le métier et m’éxercer. Je m’entrainais à faire de la peinture sur toile. J’avais rencontré un ami, Hervé Youmbi (aujourd’hui célèbre plasticien) qui était dans le même collège que moi. Ensemble, on partageait cette même passion. On s’entraidait et on se formait. Nous sommes devenus artistes presqu’au même moment. J’ai poursuivi ma passion jusqu’en classe de terminale où j’ai fait ma première exposition solo, c’était au Centre Culturel français au cours de l’année scolaire. Cette année-là, j’ai échoué le Baccalauréat. Puis il a fallu faire un choix : soit reprendre le baccalauréat ou de faire la peinture, j’ai préféré la peinture.

Quelle a été la réaction de vos parents face à votre décision de préférer pour la peinture ?

Mes parents n’ont pas accepté bien qu’ils me voyaient régulièrement faire de la peinture le weekend. Mon père était taximan et ma mère couturière. Ils se disaient que je suis jeune pour abandonner l’école et ne comprenaient pas où cela devait me mener. Comme je peignais de temps en temps à la maison, j’ai décidé à un moment de montrer mon travail. Ils ont vu et ont accepté de me laisser faire une exposition.

Avez-vous vendu des œuvres dès cette première exposition au Centre Culturel Français ?

J’avais vendu une seule œuvre, mais c’était un montant important. Je n’avais jamais touché autant d’argent à l’époque.

Parlez-nous de vos influences. Quels sont les artistes qui vous ont influencés, notamment au début de votre carrière ?

A mes débuts, j’ai beaucoup fréquenté les ainés, ceux de la scène de la création pour qui j’avais de la considération : Koko Komegne, Kanganyam Viking et Amougou Bivina. J’ai eu avec ces trois personnes des très grandes discussions qui m’ont permis d’apprendre et d’en savoir plus sur le métier d’artiste. Comme influence je dirais également mon compagnon de longue date Hervé Youmbi. On s’est fait artiste au même moment.

Aussi, j’avais une grande curiosité sur la création des ainés et j’ai dû rencontrer les œuvres de Pascal Kenfack, de René Tchebetchou, Jean Kouam Tawadjé, Nokbass, Arah Malon. Après avoir  développé me connaissance dans la peinture camerounaise, je me suis intéréssé à la peinture africaine. Je cherchais des livres et je regardais. Je me suis spécialement intéressé à la peinture zaïroise puisqu’à l’époque ils étaient avancés. Il y avait des académies là-bas et même du côté de Kinshasa à l’école de Poto-Poto. Il y avait un thème qui revenait beaucoup sur la question de l’authenticité. Comment est-ce qu’on pouvait développer son authenticité dans l’art en s’inspirant de la statuaire africaine en faisant des stylisations.

Pour résumer je dirais que je me suis nourri de beaucoup pour trouver ma propre identité artistique.

De quoi s’inspire votre travail ?

En ce qui concerne la création plastique, je me suis inspiré de ce que d’autres artistes ont fait ; De l’art moderne de l’occident jusqu’à l’art contemporain. Je me suis même intéressé à ce qui se fait au Japon, en Chine. Souvent dans le milieu de l’art, beaucoup de gens pensent que quand tu fais ce métier tu ne dois pas être cultivé dans d’autres domaines. Or c’est faux. Partout où je vais, je suis un artiste.

En ce moment mon champ de travail est essentiellement lié à la connexion de l’être avec le cosmos ; c’est-à-dire comment est-ce qu’à travers son imagination, on fait un travail pour monter comment l’être humain est relié à la nature, aux étoiles, à la lune, au soleil et aux plantes. C’est dans ce lien que l’homme puise sa force. Enfin, mon travail est aussi nourri par des héros de la culture animiste.  

Comment vous décrirez votre spécialisation ? Vous direz que vous faites quel type d’art ?

Je décrirais mon art comme une peinture expressive mais qui puise essentiellement dans la puissance des rêves et de l’imagination. Je ne me situe pas en terme de courant même si j’ai beaucoup fréquenté des artistes de courant surréalistes et cela m’a beaucoup parlé. Ça donne une force à l’imagination, une liberté intérieure de l’artiste à imaginer des mondes.

Vous avez à votre actif plusieurs dizaines d’expositions ici au Cameroun et dans plusieurs pays à travers le monde. Quelle est parmi elles, celle qui vous a le plus marqué ?

L’exposition « Mon bel oiseau mon âme ». C’est une exposition solo que j’ai faite à la galerie MAM à Bonanjo à Douala en 2013. Ça a été un moment clé dans mon parcours. C’est à dans cette période que je développe le concept de l’oiseau prompteur qui est comme l’un de mes totems. Il s’agit d’une figure qui apparait régulièrement dans mon travail et exprime la liberté, la présence du poète, de celui qui prend distance avec le monde et l’observe. C’est aussi la présence de l’enchanteur.

Il y a également l’exposition collective Comment parler avec les oiseaux, les serpents, les lions. (« How to talk with birds, trees, fish, shells, snakes, bulls and lions ») organisée au Musée d’art contemporain de Berlin en Allemagne (Museum für Gegenwart) intitulée bref avec les animaux. Pour en savoir plus sur l'exposition How to talk with birds, trees, fish, shells, snakes, bulls and lions .

Nous allons terminé en parlant de Solid’art cette exposition collective ouverte depuis le 9 septembre et qui nous réunit ici aujourd’hui à Bolo l’espace art et culture. D’où vous est venu l’idée de ce projet et comment vous avez -vous réussi à réunir ces 12 artistes plasticiens qui participent à ce projet caritatif?

Tout est parti d’une publication Facebook. Sur mon mur Facebook un jour j’ai vu que le réalisateur Jean Marie Teno avait fait un appel de participation pour soutenir la construction d’une maison du film documentaire. Connaissant bien toutes les difficultés auxquelles les artistes font face dans notre contexte pour avoir un espace dédié à des préoccupations qui sont les leurs, j’ai eu envie de participer. J’ai rencontré Jean Marie Teno et lui ai demandé si les artistes pouvaient aussi s’organiser pour apporter leurs contributions. Il était très content de l’idée. Ensuite il fallait voir comment regrouper les artistes et surtout trouver un espace pour exposer.

C’est alors que j’ai rencontré Edith Mbella la Directrice de Bolo l’Espace Art et Culture. Nous avons échangé et elle a aussitôt accepté. Ensuite il restait juste à faire le choix des artistes. Les artistes qui ont été invités dans ce projet ont été choisis en fonction de leur engagement dans la communauté. Ils se sont bien impliqués. Ce sont des artistes ouverts à d’autres choses. Je suis donc allé vers eux pour leurs expliquer le projet de cette maison du film documentaire appelée « La’a Lom » et ils ont adhéré.

Entretien réalisé par Minette Lonstie et Tatiana Kuessie

 

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Hervé Yamguen " Je me suis inspiré des anciens pour trouver ma propre identité artistique"

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Hervé Yamguen, avez-vous toujours voulu devenir artiste ? Quand avez-vous découvert votre appel pour l’art ?

Comme tous les jeunes gamins, j’aimais dessiner et utiliser les crayons et la couleur. Quand je suis allé au collège Saint Michel à Douala, j’étais très passionné de dessin et de littérature. J’aimais lire et quand je feuilletais nos livres de littérature, il y avait des illustrations, des dessins, des photos et des peintures. Ma curiosité m’a poussé à me rendre compte que faire c’était aussi un métier. C’est à partir de là que je me suis dit que j’allais essayer de suivre ma passion et peut être un jour, décider de devenir artiste.

Entre temps, j’ai continué à faire mes dessins et comme j’étais au collège Saint Michel (collège catholique), j’aspirais aussi à devenir prêtre. J’ai par ailleurs appartenu au groupe appelé le Club Vocationnel et dans ce groupe, nous avions la possibilité d’aller rendre visite dans des communautés religieuses. Moi ce qui m’intéressait, c’était la vie monastique c’est-à-dire de devenir moine. J’avais demandé à un moment donné à vivre une expérience en lien avec le monastère.

J’avais alors 17 ans et on m’a permis de faire une expérience au monastère de Kutaba dans le Noun, situé à l’Ouest du Cameroun.  Le cadre silencieux dans ce monastère m’avait vraiment plu et toutes mes vacances j’y allais. Il y avait une vaste bibliothèque et un jour je suis tombé sur une monographie de Vincent Van Gogh. Après la lecture, je me suis dès lors demandé comment faire pour devenir artiste parce que ça m’intéressait désormais.

Comment cette passion devenu votre métier a-t-elle influencer vos études ? Réussissiez-vous à allier les deux?

J’ai commencé à me former assez tôt. Quand je revenais au monastère après les vacances, j’allais rencontrer les ainés pour comprendre un peu le métier et m’éxercer. Je m’entrainais à faire de la peinture sur toile. J’avais rencontré un ami, Hervé Youmbi (aujourd’hui célèbre plasticien) qui était dans le même collège que moi. Ensemble, on partageait cette même passion. On s’entraidait et on se formait. Nous sommes devenus artistes presqu’au même moment. J’ai poursuivi ma passion jusqu’en classe de terminale où j’ai fait ma première exposition solo, c’était au Centre Culturel français au cours de l’année scolaire. Cette année-là, j’ai échoué le Baccalauréat. Puis il a fallu faire un choix : soit reprendre le baccalauréat ou de faire la peinture, j’ai préféré la peinture.

Quelle a été la réaction de vos parents face à votre décision de préférer pour la peinture ?

Mes parents n’ont pas accepté bien qu’ils me voyaient régulièrement faire de la peinture le weekend. Mon père était taximan et ma mère couturière. Ils se disaient que je suis jeune pour abandonner l’école et ne comprenaient pas où cela devait me mener. Comme je peignais de temps en temps à la maison, j’ai décidé à un moment de montrer mon travail. Ils ont vu et ont accepté de me laisser faire une exposition.

Avez-vous vendu des œuvres dès cette première exposition au Centre Culturel Français ?

J’avais vendu une seule œuvre, mais c’était un montant important. Je n’avais jamais touché autant d’argent à l’époque.

Parlez-nous de vos influences. Quels sont les artistes qui vous ont influencés, notamment au début de votre carrière ?

A mes débuts, j’ai beaucoup fréquenté les ainés, ceux de la scène de la création pour qui j’avais de la considération : Koko Komegne, Kanganyam Viking et Amougou Bivina. J’ai eu avec ces trois personnes des très grandes discussions qui m’ont permis d’apprendre et d’en savoir plus sur le métier d’artiste. Comme influence je dirais également mon compagnon de longue date Hervé Youmbi. On s’est fait artiste au même moment.

Aussi, j’avais une grande curiosité sur la création des ainés et j’ai dû rencontrer les œuvres de Pascal Kenfack, de René Tchebetchou, Jean Kouam Tawadjé, Nokbass, Arah Malon. Après avoir  développé me connaissance dans la peinture camerounaise, je me suis intéréssé à la peinture africaine. Je cherchais des livres et je regardais. Je me suis spécialement intéressé à la peinture zaïroise puisqu’à l’époque ils étaient avancés. Il y avait des académies là-bas et même du côté de Kinshasa à l’école de Poto-Poto. Il y avait un thème qui revenait beaucoup sur la question de l’authenticité. Comment est-ce qu’on pouvait développer son authenticité dans l’art en s’inspirant de la statuaire africaine en faisant des stylisations.

Pour résumer je dirais que je me suis nourri de beaucoup pour trouver ma propre identité artistique.

De quoi s’inspire votre travail ?

En ce qui concerne la création plastique, je me suis inspiré de ce que d’autres artistes ont fait ; De l’art moderne de l’occident jusqu’à l’art contemporain. Je me suis même intéressé à ce qui se fait au Japon, en Chine. Souvent dans le milieu de l’art, beaucoup de gens pensent que quand tu fais ce métier tu ne dois pas être cultivé dans d’autres domaines. Or c’est faux. Partout où je vais, je suis un artiste.

En ce moment mon champ de travail est essentiellement lié à la connexion de l’être avec le cosmos ; c’est-à-dire comment est-ce qu’à travers son imagination, on fait un travail pour monter comment l’être humain est relié à la nature, aux étoiles, à la lune, au soleil et aux plantes. C’est dans ce lien que l’homme puise sa force. Enfin, mon travail est aussi nourri par des héros de la culture animiste.  

Comment vous décrirez votre spécialisation ? Vous direz que vous faites quel type d’art ?

Je décrirais mon art comme une peinture expressive mais qui puise essentiellement dans la puissance des rêves et de l’imagination. Je ne me situe pas en terme de courant même si j’ai beaucoup fréquenté des artistes de courant surréalistes et cela m’a beaucoup parlé. Ça donne une force à l’imagination, une liberté intérieure de l’artiste à imaginer des mondes.

Vous avez à votre actif plusieurs dizaines d’expositions ici au Cameroun et dans plusieurs pays à travers le monde. Quelle est parmi elles, celle qui vous a le plus marqué ?

L’exposition « Mon bel oiseau mon âme ». C’est une exposition solo que j’ai faite à la galerie MAM à Bonanjo à Douala en 2013. Ça a été un moment clé dans mon parcours. C’est à dans cette période que je développe le concept de l’oiseau prompteur qui est comme l’un de mes totems. Il s’agit d’une figure qui apparait régulièrement dans mon travail et exprime la liberté, la présence du poète, de celui qui prend distance avec le monde et l’observe. C’est aussi la présence de l’enchanteur.

Il y a également l’exposition collective Comment parler avec les oiseaux, les serpents, les lions. (« How to talk with birds, trees, fish, shells, snakes, bulls and lions ») organisée au Musée d’art contemporain de Berlin en Allemagne (Museum für Gegenwart) intitulée bref avec les animaux. Pour en savoir plus sur l'exposition How to talk with birds, trees, fish, shells, snakes, bulls and lions .

Nous allons terminé en parlant de Solid’art cette exposition collective ouverte depuis le 9 septembre et qui nous réunit ici aujourd’hui à Bolo l’espace art et culture. D’où vous est venu l’idée de ce projet et comment vous avez -vous réussi à réunir ces 12 artistes plasticiens qui participent à ce projet caritatif?

Tout est parti d’une publication Facebook. Sur mon mur Facebook un jour j’ai vu que le réalisateur Jean Marie Teno avait fait un appel de participation pour soutenir la construction d’une maison du film documentaire. Connaissant bien toutes les difficultés auxquelles les artistes font face dans notre contexte pour avoir un espace dédié à des préoccupations qui sont les leurs, j’ai eu envie de participer. J’ai rencontré Jean Marie Teno et lui ai demandé si les artistes pouvaient aussi s’organiser pour apporter leurs contributions. Il était très content de l’idée. Ensuite il fallait voir comment regrouper les artistes et surtout trouver un espace pour exposer.

C’est alors que j’ai rencontré Edith Mbella la Directrice de Bolo l’Espace Art et Culture. Nous avons échangé et elle a aussitôt accepté. Ensuite il restait juste à faire le choix des artistes. Les artistes qui ont été invités dans ce projet ont été choisis en fonction de leur engagement dans la communauté. Ils se sont bien impliqués. Ce sont des artistes ouverts à d’autres choses. Je suis donc allé vers eux pour leurs expliquer le projet de cette maison du film documentaire appelée « La’a Lom » et ils ont adhéré.

Entretien réalisé par Minette Lonstie et Tatiana Kuessie

 

couverture de l'article Edith Mbella "On doit contribuer à l’éducation de notre Jeunesse et laisser un patrimoine"
13 octobre 2023

Edith Mbella "On doit contribuer à l’éducation de notre Jeunesse et laisser un patrimoine"

Experte en art rituel, collectionneuse, directrice de galerie, curatrice, Edith Mbella est une passionnée d'art. Née au Cameroun, elle passe une grande partie de sa vie en Espagne. Aujourd'hui instalée au Cameroun où elle dirige l'espace culutrel de Bolo l’Espace Art et Culture, c'est à la faveur de la vente aux enchère collective de l'initiative Solid’art organisée à L'espace Bolo qu'Edith Mbella nous a accordé cette entrevue où elle nous parle de ses débuts, son parcours et interpelle les artistes et amateurs d'art à la promotion de la conservation et la valorisation de notre culture et des créations artistiques.

Est-ce que vous avez fait des études en médiation culturelle ?

Non ! Je n’ai pas fait des études en médiation culturelle. J’ai fait des études de science économique à Paris en France.

Madame Edith Mbella. Comment est-ce vous arrivez dans l’univers artistique ?

Je pense que le fait que je sois partie tôt de l’Afrique a beaucoup influencé. Et aussi le fait que qu’a un moment donné que je me sois posée certaines questions. Ce qui m’a captée quand j’avais 17 ou 18 ans c’est de voir quand j’arrive aux puces de Cléonpon (Parce que les promenades que les gens ont l’habitude de faire en fin de semaine à paris c’est d’aller chiller au pus) qu’il y avait des masques africains qui étaient posés sur le sol.  Ça m’a interpellée. Etant du côté de Saint Germain, je voyais  des galeries d’arts  et les objets étaient protégés dans des vitrines ou poser au sol. Tout ça me parlait déjà. J’avoue que lorsqu’on est jeune on se pose des questions à savoir pourquoi ses objets qu’on on a vu chez soi au Cameroun au marché de l’artisanat sont considérés  à certains endroits et à d’autres pas. Ce fut le déclic.

Qui vous a initié dans la lecture des œuvres d’art ?

J’ai une chance inoui de faire la rencontre du couple Maud et Rogné Garcias d’origine espagnole. Ce monsieur avait une galerie d’art au village suisse  (un lieu d’antiquaire où on vend des objets qui datent de l’antiquité de l’art Africain. Il n’avait jamais été en Afrique mais il connaissait l’Afrique comme s’il y avait déjà été. En fait lors de toutes les rencontres qu’il avait avec les marchands qui lui ramenaient ses objets, il s’intéressait à leur vie, leurs peuples etc. C’est lui qui m’explique que ce que vous pouvez voire poser par terre ou ailleurs sont des objets d’artisanats et qui ne sont pas forcément des objets qui ont  été utilisés  pour des rites ou rituels. Il avait toute une série de pièce de Poura  (c’est une ancienne civilisation qu’on rencontre au plateau Joss au Nigéria) conçue pour des rites bien précis à un moment donné. Je ne sais pas pourquoi il y a eu cette attraction et j’ai commencé à aller plus souvent là-bas et à regarder des objets et avoir des explications.

Parlez-nous de votre rencontre avec Marc Léo Felix. A quel moment il apparait dans votre parcours ?

J’ai rencontré Marc Leo Felix à Bruxelles. Il avait déjà vécu au Cameroun, au Congo, et avait connu une de mes tantes. Il m’a pris comme sa fille et il m’a initiéeà l'art et cela a totalement changé ma vie. Moralement destinée à une carrière d’économiste, finalement je commence à être passionnée d’art. Il m’a appris la technique de lecture dans l’art.

Il avait aussi une façon de faire lorsqu’il tenait un objet. Il le faisait tourner et te donnait les iconographies de chaque peuple. Ceci pour que tu te rappelles des sculptures de telle ou telle culture. Tu découvres des peuples comme les Basongé, les Mba, et les Bakongo. Des peuples au Congo réputés pour avoir des objets de haute protection. Il te permet donc d’apprendre tous les iconographies des peuples et savoir aussi quand il y a des influences et des matériaux c’est-à-dire comment utiliser toutes sortes de pigments. Franchement c’est lui qui m’a appris le métier. Maud et son mari c’est l’éveil et la connaissance mais techniquement c’est Marc Léo Felix qui m'a initié.

Parlez-nous de  « Kuba » et « Bakuba » vos premières œuvres solos en tant qu’écrivain et commissaire d’exposition.

Le premier ouvrage que je fais c’est « Kuba ». Kuba c’est un peuple qu’on rencontre dans la région de Keizai en Afrique centrale. Un peuple qui a  énormément lutté contre l’invasion Belges. Ils étaient  admirés parce qu’on les appelait les hommes de l’éclair. En fait ils utilisaient des armes magnifiques qui dans la nuit quand on les voyait on avait l’impression que c’était de l’éclair parce que tellement bien ciselés et bien polis. Kuba parle de l’art d’Afrique Centrale surtout avec l’appui de Marc Léo Felix et ses connaissances. Le livre a paru entre 1999 et 2000

Entre temps vous rédigez en tant que commissaire d’exposition des textes préambules aux vernissages. Et vous écrivez lors de votre première exposition un texte sur les « Bakuba ».

La première exposition que je fais en tant que commissaire, j’écris un texte sur les « Bakuba » précisément sur un travail qui n’est réalisé que par des femmes. Ces femmes qui à partir du moment où elles étaient enceinte passaient leurs temps à tisser, à confectionner des vêtements fait à base de raphia et de l’atukula. L’atukula c’est un pigment à base végétal qu’on mélange aussi avec de la terre. Ça donne un ocre particulier. L’atukula pendant longtemps était considéré en Afrique comme une monnaie d’échange comme le tissu, les armes, du métal des perles qu’arboraient les femmes pour les dots au Congo.

Parlez-nous de votre collection. Combien de pièces compte–elle ?

Ma collection est vaste. Elle est constituée à la fois  de l’art contemporain, de l’art ancien et en même temps des bijoux qui ont une histoire. Des bijoux traditionnels ethniques provenant d’Afrique, d’Asie, bref de partout. J’aime les bijoux qui racontent une histoire. J’ai l’impression que la vie de la personne qui a eu cet objet, je vais la continuer. Ma collection de bijoux est plus de 200 pièces. Ma collection d’objets rituels avoisine aussi le même chiffre. C’est peut-être même plus parce que seuls les appuis nuques africains sont plus de 100 pièces. Cette collection se trouve à Madrid de même que ma collection d’art contemporain. J’ai des œuvres de beaucoup d’artistes du Congo. De Chéri Samba, Chéri Cherin, Jean Paul Mika, Georges Lilanga, et un peu du camerounais Salifou Lindou. Au Cameroun toutes les expositions que j’ai organisées j’ai toujours acheté une pièce. En art contemporain j’ai entre 50 et 80 pièces.

Quel est votre avis sur l'idée qu’il faut être riche pour devenir collectionneur d'art ?

C’est absolument faux. Moi je fais la promotion pour que tout le monde puisse accéder à l’art et collectionner ce n’est pas une histoire d’argent. On peut tout collectionner et c’est ce que les camerounais n’ont pas encore compris. J’ai rencontré plein de collectionneurs en Europe qui ont collectionnés des choses banales. Je connais une dame en Espagne qui collectionne des poupées de toutes les époques.  On est à la recherche du timbre. On échange avec quelqu’un d’autre, on n’a pas forcément l’argent c’est aussi ça collectionner. Collectionner c’est avoir un intérêt, une certaine sensibilité, une connexion en face d’un objet et décider qu’à partir de ce moment on va accumuler cela. Mais on accumule aussi les connaissances par rapport à cet objet qu’on a envie d’acquérir (quel que soit l’objet).  Donc la collection n’est pas forcément une question d’argent.

Il n y a pas encore ce genre de marché ici mais à Paris et même à Madrid ou dans les Provinces vous allez dans les petites marchés il y a des gens qui débarrassent leurs maisons. Il y a des choses qui peuvent vous plaire parce que certains n’ont pas le même regard que vous. Collectionner c’est avoir un regard par rapport à quelque chose. Tu apprécies, tu analyse et après tu recherches des choses qui vont te permettre d’agrandir cette collection. Et aussi quand on collectionne c’est comme une drogue. A peine qu’on a fini d’acheter quelque chose on est déjà en train de chercher une autre.  Mais moi je préfère cette drogue. Avec ça je créée un patrimoine pas pour m’enrichir mais pour permettre après dans un musé pourquoi pas que les gens puisse apprécier. C’est didactique.

Où est-ce que vous voyez votre collection dans 10 ans par exemple ?

Je vais la partager avec tout le monde. L’exposer dans un espace dédié à cela pour que tout le monde puisse y accéder. Pouvoir participer à l’initiation des gens qui ont envies d’aimer ce que moi j’ai pu léguer. Je ne suis pas dans la démarche de collectionner pour revendre plus tard très chers mais je respecte la décision de ce qui le font parce que chacun fait ce qu’il veut. Une collection pour moi c’est quelque chose qui me remplit, qui m’enrichit. J’ai du mal à me défaire des choses. Je suis consciente que ces objets peuvent faire une plus-value mais je ne les achète pas pour ça. J’aime les choses authentiques et simples. Je pense que la priorité c’est de permettre à d’autres d’avoir la connaissance.  

Quand-on parle de restitution d’objet d’art à leur pays d’origine, est-ce que cela concerne aussi les collectionneurs ?

Ce que les Etats demandent c’est tout ce qui est dans les musées. Ça ne rentre pas dans l’ordre du privé. C’est-à-dire des personnes ayant leurs propres collections, leurs objets chez eux ne sont pas forcément concernés. On n’est pas encore arrivé à ce niveau. Il y a des collectionneurs aux Etats-Unis qui ont leurs propres collections privées. Sauf si les objets qui ont été réclamés  étaient déjà dans les musés et avait déjà été répertoriés. Dans ce cas si toi en tant que privé tu essayes d’acheter cela pour pouvoir contourner la loi et vendre cela au marché noir, ça ne sera pas possible. Si on sait que c’est chez toi il faudrait que ça rentre. Maintenant on peut faire de la coopération avec certains musés. Genre des échanges. Ça existe même déjà. Ils le font entre eux. Ils échangent des objets d’un pays à un autre. Par exemple on fait un solo sur un grand artiste et à ce moment on demande qu’il puisse avoir des œuvres de tels ou tels autres artistes qui sont à tels endroits. Ces œuvres vont venir pendant un moment. Elles seront louées, protégées et  assurées. Donc il y a ces accords là que nos chefs d’Etat devront aussi faire.

Quel est votre point de vue par rapport à l’argument avancé sur comment conserver et créer de la valeur avec ces objets si on les ramène ?

Cet argument n’a pas de sens pour la simple raison qu’aujourd’hui on a des fils qui ont fait des études et sont calés intellectuellement. Pourquoi on ne pourrait pas avoir des personnes qui puissent prendre soins de ces objets ici. Les grands intellectuels sont sollicités partout. Le problème réel qu’on pourrait avoir ici c’est comment l’Etat affecte son argent pour la conservation de ces objets.

Est-ce que vous avez message pour encourager les camerounais à collectionner ?

Tout le monde peut collectionner. Il suffit simplement par exemple de ramasser les bouchons des brasseries il y a par moment des choses qui sont écrites à l’intérieur. Donc on peut faire une collection en ramassant quelque chose. Aujourd’hui on a besoin de conserver notre culture et valoriser les créations artistiques.  Soutenir le travail des artistes même s’il est vrai que ces derniers préfèrent vendre en occident parce que l’argent qui vient de là est beaucoup plus élevé. Moi je pense qu’on doit contribuer à l’éducation de notre jeunesse et laisser un patrimoine. On est en train de se plaindre du retour de nos pièces anciennes et on finira par redemander aussi le retour des pièces de nos artistes des générations passantes. Les artistes devraient d’abord laisser quelque chose ici avant même d’aller ailleurs. Moi je contribue en permettant aux gens qui n’ont pas assez de moyens de venir acquérir des pièces. Le payement se fait souvent en tranches d’abord pour qu’on puisse libérer l’artiste. Ensuite le reste je me bats avec eux pour qu’il termine.

Minette Lonstie et Tatiana Kuessie

couverture de l'article Paul Monthé : Une Vie Au Service Du Dessin
12 mars 2025

Paul Monthé : Une Vie Au Service Du Dessin

Paul Monté est un dessinateur et illustrateur camerounais, né le 25 novembre 1983 au PMI de Ndoungué à Konsamba, dans la région du Littoral, au Cameroun. Il est caricaturiste et l'un des membres fondateurs de l’Association des bédéistes du Cameroun (Abc). Sa passion pour le dessin lui vient dès son jeune âge, et il commence à bien la développer à partir de 4 ans.

Enfant, il vit à Babouantou un petit village de Bafang dans la région de l’Ouest Cameroun. C’est son père, transporteur sur la ligne de Bafang à l’époque qui l’initié à la bande dessinée. Il ramenait à la maison des ouvrages, souvent de vieilles bandes dessinées sans couverture. Paul Monthé se souvient encore des petites folies qu’il se permettaient pour toujours rester en contact avec la Bande Dessinée tandis que ses frères jouaient. « Si c'était des colliers, je les aurais encore aujourd'hui », lance le bédéiste avant de compter cette histoire qui lui fait voler une pièce de 100Fcfa à ses parents. « Un jour, on m'avait envoyé à la boutique acheter du pain. Le boutiquier a pris une feuille de journal où il y avait une page de Lucky Luke. Il l'a coupée en deux, il a emballé mon pain avec une partie. Je mourais d'envie qu'il m'emballe le pain avec le tout, mais je n'avais pas le courage de lui demander. J’avais mal en sortant du bout. Et une idée m'est venue genre, peut-être que si tu reviens acheter du pain très vite, il va utiliser le reste du papier journal. Alors je suis allé voler une pièce de 100 francs et retourné acheter du pain. Heureusement pour moi, ça marchait. J'ai gardé ces deux morceaux ».

Paul Monthé n’avait jamais envisagé faire carrière dans le dessin. C’était pour lui des moments d’évasion pendant lesquels il voyageait à travers les images. A 14ans, suite aux difficultés financières dans sa famille, il est contraint à arrêter ses études secondaires en classe de 5e au Collège évangélique de Bafang. Comme il est doué en dessin, il est conseillé à ses parents de lui payer une formation en Sérigraphie. Chose faite. Paul y va, mais n’y adhérent pas bien qu’il soit considéré dans ce milieu comme le meilleur.

De la Sérigraphie au dessin

Par la suite le jeune homme commence à s’intéresser aux activités liées au dessin. Il participe à des ateliers à l’extérieur de son village et commence à se faire remarquer par son travail. Il va faire larecontre de Willy Valdès Kengne (édudiant à luniversité de Yaoundé 1), avec qui apprend les techniques de base du dessin. Cette feormation va changer la perception qu'il se faisait du dessin restreinte aux mangas chinois. 

 En décembre 2006, un peu plus affilé dans son travail, il propose ses services de caricaturiste au journal Ouest-Echos et est embauché.En juillet 2008, il est l'invité de Willy Valdès Kengne sur Festival de la Caricature et de l'Humour de Yaoundé et commence à participer de façon professionnelle à partir de 2009. En 2011 il participe à un concours national de la bande Dessinée (BD) à Yaoundé avec l'Ong Zenü Network. L’Ong obtient la 3e grâce aux dessins proposés par les apprenants avec pour thématique la corruption en milieu scolaire. Par la suite l’Ong à demander aux dessinateurs de facturer leurs œuvres. Pour Monthé détient une douzaine (10 au concours et 2 en ateliers). Il facture le tout à 72000 Fcfa soit 6000 Fcfa la pièce. Un montant jugé minimal par des aînés dans le metiers. Lorsque la même occasion s’est produite pour le deuxième fois, le caricaturiste a revu le montant à la hausse. Soit une œuvre à 15000Fcfa (toujours jugé minimal).

Ses travaux apparaissent sur des calendriers. Il commence ainsi à mieux gagner sa vie grâce au dessin. Il collabore avec Yannick Deubou le promoteur du Mboa BD Festival et font « The Camelboy », « Ekiée », « On est ensemble » etc. Il participe à « Rio dos Camaroes », un album collectif réunissant les travaux des dessinateurs camerounais dont Joélle Epee Mandegué. Dans ce collectif des caricaturistes camerounais, il collabore aussi sur un projet de BD avec Joëlle Ebongué, auteur de « La vie de d’Ebène Duta ». Entre temps, Joélle Epee Mandegué, le met en contact avec Vladimir Lentzy, un Français d'origine russe qui intéresse à son travail sur cette BD.

En 2018, il va travailler avec Vladimir Lentzy d’abord dans un atelier de 15 jours au Cameroun, ensuite sur la collection webtoon des éditions Dupuis. Une grande fierté pour le camerounais qui parvenait enfin à surmonter ses difficultés financières accrues suite à sa démission chez Waanda Studio de Yannick Deubou et à une malformation congénitale (spina bifida) dont était atteintes sa première fille à la naissance. L’homme marié et père de 5 enfants aujourd’hui bossait de jour comme de nuit pour survenir aux besoins de sa famille à cette époque. La collaboration avec Vladimr Lentzy lui a permis de se relever. Il a par ailleurs été invité à visiter le siège d'édition Du Puis en Belgique et en France, en 2023.

Paul Monthé a également représenté le Cameroun à la première édition du Forum ICC Créative Afrique, à Paris, en France, d’où est née la collaboration avec l’Institut français du Cameroun (l'IFC) sur la BD. Il participe au lancement officielle de la collection « Moabi » au Bilili Festival au Congo en 2021. (Moabi, c'est un arbre africain dont les racines sont plantées loin dans le sol). Il était également présent à la première édition du forum des ICC (industries culturelles et créatives) "Africa Creative" à Paris. 

L’Héritage de la DB

Toujours en 2021, il créée l’Association des bédéistes du Cameroun (Abc) qui édite depuis décembre 2024, le trimestriel KoualaBD, une BD co-écrit par sept auteurs dont Pondy George (président de l’Abc), Andy Corleone Akz, Hugues Biboum, Robert PouGoue, Ole Tsimi, Gunter Moss (un ancien dessinateur 100 % jeune) et Paul Monté. L’objectif de l’Abc est de redonner à la caricature ses couleurs de noblesse. Depuis sa création, les membres travaillent sur un festival de caricatures, des illustrations, dessin de presse écrite, livres scolaires, dessins animés etc.

Paul Monthé aimerait à travers cette initiative, laisser un héritage aux générations futures afin qu’elles sachent que le DB en Afrique n’est pas un mythe. Elle existe contrairement à ce que les européens pensent. D’abord une BD faite par les camerounais et pour les camerounais ensuite pour l’Afrique. Ceci pour faire sortir les africains de la colonisation qui continue à se propager à travers les BD européennes.  « L’une de nos idéologies les plus profondes est d’utiliser la bande dessinée comme une arme puissante », fait-savoir.  

Même si la sérigraphie reste un épisode traumatisant pour lui, Paul Monthé encourage les jeunes qui, comme lui, n’ont pas terminé les études. Il leur exhorte à ne pas se laisser influencer par la société qui va essayer de les classer dans une catégorie où les opportunités d’emplois se résument aux postes de vigiles, de manœuvres dans un chantier (au quartier) etc. Selon lui, l’école est continuelle. Il a d’ailleurs retrouvé le chemin de l’école mais cette fois en tant qu’instituteur. Dans son parcours, il a enseigné des cours de dessin dans plusieurs établissements dont le Lycée Bilingue de Ngouache, à Bafoussam, dans les classes de 6eme, 5éme, 3éme et Terminale.  Il est également quelque fois invité à l'Institut des Beaux-Arts de Foubam pour s’entretenir avec les étudiants et participer à des animations d'ateliers.

Prix et Recompense

En 2025, Paul Monthé cumule 19 ans au service du dessin. En 2005, Paul Monthé reçoit le prix de la meilleure Bande Dessinée par le Comité National de Lutte Contre le Sida (CNLS). En 2012, il est le premier prix dessin au Festival des Jeunes du Cameroun. Il reçoit le Mont d’or de la caricature en 2020 à une récémonie de recompense organisée par Ouest-Echos. En 2024 est décoré de la médaille vermeille et la médaille d’argent par le gouvernement Cameroun cumulant ainsi 19 ans au service du dessin.  

Tatiana Kuessie